Par Bénédicte Gronnier – Psychanalyste à Perpignan et engagée pour la santé mentale
On m’a dit : « ChatGPT, c’est un super psy »., j'ai répondu : « Très bien, faisons équipe » !
Depuis quelques mois, j’entends parler de ChatGPT comme d’un « super psy ». Alors j’ai fini par m’y mettre moi aussi. Et je dois le reconnaître : une forme de relation de travail s’est installée entre lui et moi. Il n’est ni un ennemi, ni une menace, mais un objet fascinant qui interroge profondément notre métier.
Parfois, mes patients ont presque honte de me dire : « J’ai demandé à ChatGPT et il m’a répondu que… ». Je ne diabolise pas l’IA. J’écoute ce que la réponse de ChatGPT a provoqué en eux, ce que cela remue, ce que cela évite ou ce que cela confirme. C’est déjà du matériau clinique.
Je reconnais aussi une chose : l’IA a accès à une base de connaissances gigantesque, bien plus vaste que n’importe quel psy. Elle synthétise en une seconde ce que nous mettons des années à lire. Mais elle a aussi un défaut surprenant : elle invente parfois ses sources. Le savoir est juste, mais pas l’origine. Un détail à ne pas oublier, surtout pour les étudiants tentés de faire confiance les yeux fermés.
Et puis il y a son côté « politiquement correct ». ChatGPT ne choque pas, ne contredit pas spontanément. Il rassure, il valide, il réconforte. C’est son rôle aujourd’hui, mais j’observe que la nuance, la contradiction, l’ambivalence que sont les piliers du travail psy, ne sont pas encore complètement intégrés. Pourtant, il apprend vite. Très vite. Rien n’exclut qu’un jour il sache dire : « Je ne suis pas d’accord ».
Ce qui m’amuse le plus, c’est que si je lui demande explicitement de me contredire, il le fait. Sans hésiter. Mais si je ne formule pas la demande clairement, il reste d’accord avec moi. C’est un peu comme un patient qui dit « dites-moi ce que vous pensez », mais qui, dès que vous approchez d’un point sensible, se rétracte : « oui enfin, pas ça ».
En réalité, ChatGPT est devenu un collègue paradoxal. Il comprend, il valide, il apporte des explications théoriques d’une clarté remarquable. L’accès immédiat à l’information est un luxe. Mais son efficacité dépend entièrement de la précision de la demande. Si on lui parle de façon confuse, comme on parle parfois quand on souffre, il comprend de travers. Comme nous-mêmes quand le langage masque la douleur.
Et il y a quelque chose d’essentiel : si vous êtes capable de formuler parfaitement ce que vous cherchez, il y a de fortes chances que vous ayez déjà la réponse en vous. L’IA, parfois, ne fait que mettre des mots sur une intuition qui attendait une phrase.
Là où il devient vraiment intéressant, c’est quand on le pousse à la contradiction. Lui demander un point de vue opposé peut ouvrir une perspective nouvelle. Mais cela demande déjà une certaine solidité intérieure. Car une parole algorithmique peut facilement détourner quelqu’un de sa propre vérité s’il traverse un moment de fragilité. L’IA n’est pas dangereuse en elle-même, mais elle exige discernement et esprit critique.
Soyons honnêtes : je ne connais aucun psy ayant autant de connaissances. Mais je ne connais aucun psy remplaçable par lui non plus. L’IA informe ; moi, j’accompagne. L’IA explique ; moi, j’écoute. L’IA répond ; moi, je rencontre. Je suis là quand ça tremble, quand ça pleure, quand ça se tait, quand ça respire. Je suis là dans le réel, dans la présence, dans ce qui se passe entre deux êtres humains. Ce que nous vivons en séance ne se code pas. J'ai mon vécu et je suis là avec en séance.
Alors oui : ChatGPT peut être un déclencheur, un allié, un complément. Il peut aider à réfléchir, à s’orienter, à enrichir un travail thérapeutique. Il peut aider les professionnels, et il peut ouvrir des pistes aux patients. Mais il ne remplacera jamais la rencontre, ni la relation, ni cette alchimie silencieuse et imprévisible qui naît au cœur d’une séance. Et surtout ... la garantie du secret professionnel ! 😉
À bientôt au cabinet,
Bénédicte
Psychanalyste à Perpignan