Le syndrome du sauveur : deux profils bien différents

Publié le 3 août 2025 à 12:58

 

Dans le monde de la psychologie populaire, on confond souvent le syndrome du sauveur et le syndrome du héros. Tous deux semblent désigner ces personnes qui veulent aider les autres à tout prix, quitte à s’oublier elles-mêmes. Pourtant, d’après mon expérience,  il y a des différences dans le lien. Et cette différence, bien que subtile, a de vraies conséquences sur les relations.



Le sauveur : il agit pour que vous alliez mieux

Le sauveur est une personne qui veut sincèrement aider. Il se sent utile en améliorant la vie des autres, et il tire de la satisfaction de voir les gens aller mieux grâce à lui.

Il aime rendre service, prendre des nouvelles, proposer des solutions, et reste généralement présent même lorsque tout va bien. Pour lui, aider, c’est participer activement au bonheur de l’autre. Il peut parfois en faire trop, intervenir sans qu’on le lui demande, ou empêcher l’autre de grandir par lui-même, mais ses intentions sont tournées vers le bien-être de l’autre.

> Le sauveur se nourrit du bonheur qu’il contribue à créer.

 

Le sauveur héroïque, Superman : il agit pour exister à travers vos problèmes

Le héros, lui, cherche à exister à travers l’aide qu’il apporte. Ce qui le motive, ce n’est pas tant que vous alliez mieux… mais que vous ayez besoin de lui. Il veut être vu comme celui qui sauve, qui intervient, qui brille par sa présence dans les moments difficiles. Il peut même paraître tellement bien-veillant, que vous penserez que vous avez beaucoup de chance de l'avoir à vos côtés. 

L'ombre noir du sauveur héroïque :

Le problème, c’est que quand tout va bien pour vous, il disparaît. Il ne sait pas être là dans la sérénité ou la stabilité. Il attend que vous ayez à nouveau besoin de lui pour revenir, reprendre son rôle, être valorisé.

Le héros se nourrit du malheur, car sans lui… il n’est plus rien dans la relation.

 

Une relation faussement aidante

Sur le moment, la présence du héros peut être très rassurante. Il accourt dès qu’il sent que vous êtes en détresse. Il fait preuve d’une loyauté apparente, d’un dévouement sans faille. Mais cette présence est conditionnelle : elle dépend de vos problèmes.

Résultat ? Vous pouvez en venir à associer le lien avec cette personne à votre propre malheur. Inconsciemment, vous pourriez même éviter d’aller trop bien, de peur de "perdre" ce héros.

 

 

Et ce n’est pas de la manipulation calculée ou du narcissisme pervers. Le héros n’est pas forcément malveillant : il agit souvent par inconscience, prisonnier de son besoin d’être indispensable. Le sauveur héroïque a lui aussi souffert. Et avec de l'aide, il peut trouver, comme le sauveur,  une estime de lui suffisante pour être heureux, dans des relations saines. 

 

 

Ne pas confondre

Cette distinction est essentielle. Car dans un cas, vous êtes accompagné dans votre évolution. Dans l’autre, vous êtes bloqué dans une dynamique où votre souffrance devient la condition du lien.

Et si la confusion est fréquente, c’est justement parce que les deux profils peuvent sembler semblables en apparence : ils interviennent, ils aident, ils s’engagent. Mais leurs fondations psychologiques sont très différentes.

SITUATIONS LE SAUVEUR LE HEROS
Quand tout va mal Aide activement, parfois trop Accourt pour briller
Quand tout va bien Reste présent, se réjouit du résultat Disparaît ou se désinteresse
intention profonde Vous voir aller bien, pour aller bien aussi Etre vu par les autres comme celui qui sauve
Effet relationnel Soutien parfois ettoufant, mais sincère Dépendance émotionnelle au malheur

 

En conclusion

Le sauveur agit pour que vous alliez mieux. Il se sent utile en vous voyant heureux. Il contemple avec satisfaction le résultat. 

Le héros agit pour être admiré. Il a besoin que vous alliez mal pour exister.

"Heureusement que je suis là !"  se glorifie le héros

Il peut même être perçu par l'entourage comme la personne trop gentille, trop bonne, et dont on abuse de sa gentillesse. Et c'est principalement là que se nourrit le sauveur héroïque. Il paraît s'oublier aux yeux des autres, alors qu'il est le principal acteur et au centre de la relation. 

Le sauveur héroïque vit très mal la réussite de l'autre, qui réveillera son sentiment d'infériorité. Il préférera s'en éloigner. 

Deux dynamiques. Deux intentions. Et surtout, deux façons très différentes de construire une relation. Savoir les distinguer, c’est éviter bien des pièges émotionnels, et mieux comprendre ce que nous cherchons — ou ce que nous reproduisons — dans nos liens aux autres.

Et notre responsabilité dans tout ça ? 

Un sujet difficile, mais nécessaire. Quel rôle avez-vous eu et avez-vous entretenu dans ses relations ? Qu'avez-vous chercher et attendu auprès de vos sauveurs ? Quels manques, quelles carences, à laisser place à ce mécanisme dans le lien à l'autre. 

 

Bénédicte GRONNIER, Psychanalyste à Perpignan 

] }