TDAH chez l’enfant : sortir du carcan du diagnostic pour mieux entendre l’enfant

Publié le 7 août 2025 à 11:47

Le Trouble du Déficit de l’Attention avec ou sans Hyperactivité (TDAH) est devenu, en quelques décennies, l’un des diagnostics les plus fréquemment posés chez les enfants. Inattention, agitation motrice, impulsivité : ces manifestations comportementales sont aujourd’hui interprétées à travers un prisme médical, qui oriente rapidement vers des traitements pharmacologiques. Ce modèle biomédical, tout en apportant des outils utiles à court terme, n'et pas suffisant Une approche alternative, fondée sur l’écoute, le jeu et l’expression symbolique, permet d’offrir des réponses durables, humanistes et respectueuses du sujet.

 

I. Le TDAH : un diagnostic à la croisée de la médecine et de la société

Une explosion des diagnostics

Entre les années 1990 et aujourd’hui, le nombre d’enfants diagnostiqués TDAH a considérablement augmenté, notamment dans les pays occidentaux. En France, l’INSERM estimait en 2020 que 3 à 5 % des enfants présentaient un TDAH, mais ces chiffres varient fortement selon les régions, les pratiques des professionnels et l’accès aux soins.

« Le TDAH est moins une entité clinique stable qu’un construit socio-médical

qui reflète les normes de comportement attendues à un moment donné. »

Timimi, S. (2013), The Myth of Autism, Routledge.

 

II. Le surdiagnostic : quand la norme fait symptôme

2.1. Une lecture trop rapide du comportement

Un enfant turbulent, rêveur ou en difficulté de concentration n’est pas nécessairement porteur d’un trouble. Il peut exprimer un mal-être, une difficulté relationnelle, ou une hypersensibilité encore non élaborée. Le danger est de répondre à ces manifestations par une étiquette plutôt que par une écoute.

« On ne peut pas soigner l’enfant sans chercher à comprendre

ce que son symptôme cherche à dire. »
Winnicott, D.W. (1965), L’enfant et le monde extérieur.

2.2. Les risques du médicament comme réponse unique

Si les psychostimulants peuvent améliorer la performance scolaire, ils n’apportent pas nécessairement de solution aux conflits internes de l’enfant. Pire encore, ils peuvent masquer un appel à l’aide.

III. Le jeu comme langage de l’enfant : une alternative thérapeutique

3.1. Le jeu, espace de symbolisation

Le jeu constitue un espace transitionnel où l’enfant peut exprimer ses angoisses, ses frustrations, ses conflits internes. Il y projette, sans en avoir conscience, des aspects de son monde intérieur. La psychanalyste britannique Melanie Klein et plus tard Françoise Dolto ont montré combien le jeu permettait à l’enfant de mettre en scène ses conflits psychiques pour les élaborer.

 « Le jeu est le travail de l’enfant. »
Piaget, J. (1945), La formation du symbole chez l’enfant.

 

3.2. Le jeu de rôle : réparer et expérimenter

Les jeux de rôle permettent à l’enfant de sortir de la passivité du symptôme. Dans l’espace sécurisé de la fiction, il peut incarner des personnages, tester d’autres manières d’être, rejouer des situations douloureuses ou frustrantes et expérimenter de nouveaux positionnements psychiques.

Cela favorise :

  • la régulation des émotions,
  • le renforcement de la confiance en soi,
  • la capacité à mentaliser.

IV. Repenser l’accompagnement de l’enfant : une approche intégrative

4.1. Restaurer une lecture subjective du symptôme

Le symptôme, loin d’être une erreur biologique à corriger, peut être entendu comme un langage. En considérant l’enfant dans sa globalité — histoire, liens affectifs, environnement — on peut réintroduire de la souplesse, du jeu, et de l’humanité dans la prise en charge.

4.2. Articuler les approches : médecine, psychothérapie, créativité

Il ne s’agit pas d’opposer frontalement médecine et thérapie, mais de rétablir un équilibre. L’enfant peut avoir besoin d’un traitement temporaire, mais celui-ci doit être accompagné d’un travail psychique, individuel ou groupal, qui lui permette d’élaborer ses conflits internes et de trouver sa place dans le monde.

Conclusion : un plaidoyer pour l’écoute

Le TDAH, s’il existe en tant que souffrance réelle, ne peut être réduit à un déficit cérébral. C’est aussi et surtout l’expression d’un enfant qui ne parvient plus à se faire entendre autrement. En redonnant au jeu, à la relation et à l’expression symbolique leur place centrale, nous faisons le pari d’une clinique plus sensible, plus humaine, et plus respectueuse du sujet en devenir.

 

Références

Timimi, S. (2013). The Myth of Autism. Routledge.

Winnicott, D. W. (1965). L’enfant et le monde extérieur. Payot.

Dolto, F. (1985). Lorsque l’enfant paraît. Gallimard.

Piaget, J. (1945). La formation du symbole chez l’enfant. Delachaux & Niestlé.

Klein, M. (1955). The Psycho-Analysis of Children. Hogarth Press.